dimanche 31 mai 2020

Philippines


Nous sommes en mars 2019 (mais oui, mais oui). Après deux mois en Thaïlande fort appréciable, nous voici à Manille pour un mois de voyage aux Philippines.


Sur la route depuis l'aéroport, le premier contact est plutôt dépaysant. Au travers de la fenêtre du taxi se succèdent bidonvilles et centres commerciaux flambant neufs. Si un tel grand écart de richesses n'est certainement pas l'apanage des Philippines, il n'est comme nulle part ailleurs aussi marqué qu'ici. Les deux mondes sont en effet littéralement soudés l'un à l'autre, une ligne comme tracée à la règle les séparant, les boutiques Gucci se retrouvant à côtoyer des amas de tôle ondulée faisant office d'habitation, les deux étant séparés par un mur coiffé de barbelés infranchissables. 


C'est après ce premier aperçu déroutant que nous arriverons chez Alex, un nom pas très philippin derrière lequel se cache un pote français expatrié ici depuis un petit bout de temps.



Manille by night


Après une soirée passée ensemble, nous tracerons notre route direction l'île de Bohol, plus au sud. Le changement de décor est radical, la jungle urbaine laissant place à une jungle plus traditionnelle, où les divers bourdonnements et gazouillis d'oiseaux ont agréablement remplacés bruits de moteurs et brouhaha de foule.

Nous nous laisserons porter par cet environnement, chevauchant le scooter que nous avons loué, profitant de la liberté totale qu'amène ce mode de transport. Les intersections se prennent au hasard et sont l'occasion de laisser notre instinct nous dicter la route à emprunter. Les kilomètres s'enchainent, quand nous arrivons au bord d'un lac reculé. J'apprécie beaucoup ce genre d'endroits, peut-être pas forcément le plus beau, le plus photogénique, mais d'une grande authenticité, sans infrastructure touristique, où la débrouille et l'improvisation sont nécessaires pour accomplir la moindre tâche.

Pas de chance pour moi qui parle désormais couramment tagalog - le dialecte local - après 3 mojitos bus avec Alex la veille, c'est un dialecte différent qui est employé ici. J'arrive tout de même  maladroitement à lâcher un "salamat po", la tenancière du petit boui-boui dans lequel nous essayons de commander à manger me lâche d'un air stupéfait "wow, you speek verri goode tagalog !". C'est ça l'intégration !



Le long de la route

Le lendemain, nous laisserons le hasard de côté afin de rallier les "Chocolate Hills", attraction principale de Bohol.

Derrière ce nom appétissant se cache une formation géologique unique au monde, en tout cas à ma connaissance, de collines composées de sédiments posées au milieu de la jungle. Ces dernières se sont formées au fond de l'océan où se sont accumulés coraux et coquillages, avant que la zone tout entière se soit retrouvée élevée hors de l'eau (oui, c'est sismique dans le coin !).


Chocolate Hills, qui sont à priori plus ou moins marron selon la saison

Notre hébergement local, un petit coin de paradis niché entre la rivière avoisinante et la végétation luxuriante. Les cabanes sont spartiates, l'eau chaude un rêve lointain, l'accès digne d'un parcours du combattant, mais ça en vaut la peine !


La vue du jardin

Je me dois d'être honnête avec vous, un parasite s'est glissé dans ce cadre idyllique. Les locaux ont en effet une vision différente de la mienne quant à la tranquillité et sérénité de ce lieu. Ces derniers ont eu la bonne idée de faire naviguer à la chaine des sortes de péniches remplies de philippins, enceintes dignes d'un concert d'AC/DC tournant à plein régime, le tout animé par DJ kitsch aux platines. 

Une fois ce choc culturel accepté, cela ne gâchera en rien notre plaisir de rester quelques jours ici,  entre ballade en kayak, randos dans la nature avoisinante, et nuitées au calme une fois la rivière vidée de ses embarcations tonitruantes.


Sortie nocture et photographie de nuit

De l'autre côté de la rivière, après quelques heures à crapahuter dans la jungle, une grotte dans laquelle ont trouvé refuge bon nombre de chauves-souris


Le maître Jedi local, j'ai nommé le tarsier. Cette espèce endémique est malheureusement devenue difficile à observer à l'état sauvage, nous l'apercevrons donc dans un centre de sauvegarde


Il sera temps de quitter Bohol pour nous rendre sur l'île voisine de Camiguin. Nous enjamberons le bras de mer qui nous sépare de cette île volcanique via un transfert en bateau assez rapide.

Une fois sur place, l'ambiance change assez radicalement. Ça grouille d'enfants qui nous claquent des high five en scooter et nous saluent sans cesse. Ça grouille de vie dans les rues, tout le monde est dehors, l'absence d'internet n'y étant probablement pas pour rien. Je dis "les" rues, je devrais plutôt dire la route. Celle-ci fait office d'anneau de vie bouclant l'île, coincée entre l'océan et les montagnes s'élevant rapidement dès que l'on s'éloigne de la rive. Habitats, commerces  et autres lieux d'activité humaine y trouvent place de part et d'autre.

Des digues sont érigées un peu partout afin de remblayer les plages s'érodant sans cesse. Un chantier titanesque, un travail de fourmi perpétuel lutant contre la force inarrêtable de mère Nature. Camiguin donne l'impression d'une île attirée par le fond de l'océan, qu'une poignée d'hommes tente désespérément de sauver du naufrage.


Un peu au hasard d'un guide local rencontré par le biais du propriétaire de la guesthouse où nous nous trouvions, nous nous embarquerons dans une rando qui se révèlera bien vite être un trek à la machette d'une demi-douzaine d'heures . Exubérante, luxuriante, les adjectifs manquent pour décrire la flore qui nous entoure. On y aperçoit au milieu le "chemin" que Diana tente de suivre.


J'ai bien dit le ""chemin"". Facile, c'est tout droit !


1100m de dénivelé et quelques sangsues plus tard, la vue du sommet

Histoire de ne pas nous mettre les cinq éléments à dos, nous changerons le lendemain d'environnement, passant de la terre à l'eau. Direction le Giant Clam Sanctuary pour une session snorkelling. Comme le "giant" le laisse entendre, il s'y trouve les plus gros coquillages du monde, rien de moins.

N'ayant pas de matériel photographique étanche, il faudra vous en remettre à Google Images afin de vous rendre compte du gigantisme de la bête. Une simple recherche "tridacne géant" devrait vous ressortir des photos du monstre, l'idéal étant d'avoir un plongeur à ses côtés afin de mieux se rendre compte de l'échelle.

Pour ne rien gâcher à cette belle découverte, les fonds sous-marins sont incroyablement préservés, ce qui rappelle malheureusement à quel point ils sont endommagés dans la plupart des autres récifs coralliens. Ici, pas de bateau, encore peu de touristes. Le sol volcanique et par conséquent l'absence de sable, ainsi que la faible profondeur, complètent ces paramètres idylliques afin de donner une visibilité que je n'avais jamais eu l'occasion d'expérimenter.


Si vous étiez bon à Où est Charlie, on aperçoit à quelques encâblures du rivage la croix blanche du "Sunken Cemetary" au pied de laquelle se trouve un autre site de snorkelling, duquel nous aurons la chance de nager avec une tortue


Nouveau transfert, cette fois-ci de Camiguin vers Palawan, possiblement l'île la plus touristique des Philippines. Touristique mais aussi celle où se cachent les plus belles choses à voir, les deux étant logiquement liés. Le choix est cornélien, dois-je passer à côté de ces merveilles et profiter d'une nature préservée, d'être surpris à chaque coin de rue, de me sentir l'âme d'un explorateur ? Ou venir grossir les rangs des hordes de touristes, dont je fais finalement parti, et aller voir de mes propres yeux ce que j'ai déjà à moitié vu sur internet ? Nous opterons pour cette dernière option et débarquerons donc après quelques jours de vadrouille à El Nido.



Même moi qui ne suis pas trop plage, je suis charmé


Failli noyer mon APN pour cette photo-ci, mais plutôt content du résultat !


Histoire d'essayer malgré tout d'égoïstement nous approprier les merveilles présentes dans les îlots alentours, nous déciderons de nous lancer à leur assaut en canoë. N'ayant jamais pratiqué cette activité en pleine mer, je ne me rends pas vraiment compte de ce qu'implique une boucle de pas loin de 30km, dont une traversée exposée en plein océan d'une dizaine de kilomètres.

J'expose mon plan foireux à la gérante de la petite boutique du coin louant des canoës, qui me rétorque immédiatement "impossible d'aller là bas en kayak, c'est beaucoup trop loin et dangereux ! personne ne le fait !". Le peu d'hésitation que j'avais se dissipe instantanément a l'écoute de ces mots, en route !


Le voyage aller se passe beaucoup plus facilement que prévu, on se croirait presque sur un lac


*voix de GPS* : pendant 5 kilomètres, continuez tout droit


La petite tâche que nous apercevions au loin grossissant au fur et à mesure, nous finirons par nous rendre compte qu'il s'agit en réalité d'un destroyer stationnant au milieu de la baie. La distance nous séparant de celui-ci se réduisant, les dimensions du bâtiment deviendront vraiment imposantes, nous nous sentirons bien vulnérable avec notre embarcation de fortune. Les gros coups de corne de brume qu'il actionnera à notre approche ne nous rassureront pas vraiment. Ne sachant pas si l'intention de ces derniers est d'amicalement nous saluer en signe de respect, ou de nous avertir d'un exercice militaire de tir d'artillerie, nous nous contenterons d'augmenter la cadence et de décamper le plus rapidement possible.

Nous finirons par arriver sans encombre à destination après plusieurs heures d'effort, assoiffés et carbonisés par le soleil de plomb malgré l'heure matinale, mais tellement satisfaits !


Débarquer seuls sur cette petite plage paradisiaque nichée dans une crique a un petit côté explorateur qui n'est pas pour me déplaire


Il y a bien quelques bateaux à moteur qui trainent dans le coin, mais la tranquillité est globalement de mise. Si ce n'est pour le cancer de nos sociétés modernes, je veux bien entendu parler de l'instagrameur. Le pur et dur, celui que le bateau vomit en hordes, qui vient s'installer sur la plage pour prendre la pose, enfiler son masque et son tuba, se prendre en selfie, et... repartir quelques minutes plus tard, sans même mettre un orteil dans l'eau.

Le bonheur de se laisser dériver seuls dans ce paysage magnifique, seulement perturbés par le clapotis de l'eau contre les parois rocheuses, valait bien ces heures de pagayage


Dernière dégustation visuelle avant de se préparer à effectuer le voyage inverse


Si l'aller s'est déroulé sans encombre, nous comprendrons bien vite que le retour sera une toute autre affaire. En effet, sitôt éloignés des parois rocheuses, nous nous retrouverons exposés à une violente houle. Des vagues de pas loin de deux mètres feront dangereusement tanguer le canoë et nous ferons sentir bien petit au milieu de cette masse d'eau. Nous tenterons malgré tout de garder le cap, mais j'aurai la mauvaise idée de me retourner au bout d'une demi-heure d'effort, pour me rendre compte avec désespoir que la plage que nous venons de quitter est encore toute proche.

Nous lutterons tant bien que mal contre la panique d'abord, l'épuisement ensuite, tentant de maintenir le cap vers l'horizon paraissant s'enfuir devant nous. Une fois loin de toute côte, nous n'aurons même plus de repères afin de savoir dans quelle direction nous nous déplaçons.

Après plusieurs heures paraissant une éternité, nous sentirons un soudain changement de courant, les vagues paraitront comme s'évaporer pour notre plus grand plaisir, et nous pourrons enfin voir le bout du tunnel. Exténués, nous déciderons de faire un petit détour par une plage avoisinante afin de reprendre nos forces avant de terminer le trajet.



On devine sur le fond à droite notre point de départ, tellement proche et pourtant tellement lointain


Encore une plage rien qu'à nous sur une île totalement inhabitée

On distingue en arrière plan la ville d'El Nido nichée entre les falaises, notre destination finale n'est plus très loin

Près d'une dizaine d'heures après notre départ, nous ramènerons les kayaks à leur port d'attache, sous le regard quelque peu médusé de la réceptionniste, qui s'apprêtait à fermer boutique et avait probablement déjà du nous déclarer naufragés.

Une fois requinqués, il sera temps de profiter de la dernière étape de notre épopée, l'île de Coron, cette fois-ci motorisés.


Oui, mon allure est magnifique sur ce scooter rose, et oui, il vient de frôler la noyade en traversant le ruisseau en arrière plan



Petite pause coco sur une plage perdue du nord de Coron



Un road-trip plutôt scénique

Coron étant réputé pour ses spots de plongée, je ne résisterai pas à la tentation. La zone a en effet vu un paquet de navires japonais être coulés par les américains durant la seconde guerre mondiale. Une majorité de ces derniers reposant à une profondeur assez importante, j'en profiterai pour passer ma certification plongée profonde, qui sera l'occasion de me sentir quelque peu shooté une fois descendu en ligne droite à 30 mètres.


Mes camarades plongeurs étant mieux équipés que moi en matériel photographique sous-marin, j'ai cette fois-ci des images d'illustration à ma disposition. Ici une épave recouverte de coraux.


Vue intérieure depuis une coursive


C'est moi !


Nous partirons le lendemain en expédition dans les îles voisines (original me direz-vous). Pas de loueur de canoës ici, ils ont dû tous fermer en nous voyant arriver pas fou qu'ils sont. Nous partagerons donc un bateau avec un autre couple de français rencontrés la veille lors de la plongée. Suivant les bons conseils d'Alex, nous nous rendrons la veille organiser l'expédition avec des pêcheurs locaux. Nous partirons donc à l'aube et arriverons encore une fois les premiers, à l'heure où les instagrameurs sont encore en train de finaliser leur brushing afin de récolter un maximum de likes sur leurs posts.



La carte postale de Coron


C'est beau la technologie, ça avance tout seul


Difficile de faire plus turquoise


Le soleil se couche sur Coron, métaphore de notre voyage touchant à sa fin


Il sera en effet temps de retourner sur Manille histoire de travailler un peu et de renflouer les caisses pour notre prochaine destination. Un vrai régal que la découverte des Philippines, un mois très varié où le temps aura filé à tout allure !

samedi 9 février 2019

Cap vers le Cap-Vert


Après un bref carnet de photos des Canaries publié ici, il est temps de revenir au présent et d'officiellement lancer l'acte III de l'Austrasian-trip !


***


Tout juste débarqués sur le tarmac du petit aéroport de Césaria-Évora, le premier contact est pour le moins dépaysant.
Il y a certes la différence thermique, cet agréable air à 30°C contrastant avec l'hiver français d'où nous arrivons. Mais il y a aussi et surtout ces montagnes saillantes et rocailleuses se dressant de toute part. Tout est sec, pas un pourcent d'humidité dans l'air, pas de végétation. 0,6g en moins et l'on pourrait se croire arrivés sur Mars.

Pour la seconde fois après les îles Canaries, j'arrive ici les mains dans les poches, étant passés par une petite agence locale afin d'organiser notre trek. Au programme, nuitées chez l'habitant, orientation à la carte et quelques kilomètres verticaux à gravir. C'est assez agréable de se laisser surprendre au fil du voyage. Aucun spoil quant aux types de paysages que nous allons parcourir, la nourriture que nous allons goûter ou encore la nature de nos échanges avec les locaux.

Une fois la petite ville de Mindolo traversée en taxi, puis le bras de mer nous séparant de l'île voisine de Santo Antao enjambé à l'aide d'un ferry, nous nous faisons déposer un peu au milieu de nulle part au départ d'un chemin se séparant de la route principale. C'est parti pour 10 jours de marche !


Premier contact avec l'environnement cap-verdien

Au milieu de ces terres arides qu'un soleil brûlant surplombe en permanence, on se sent bien petit face à la nature. Seule notre poche d'eau et notre carte surlignée de son itinéraire nous donnent une probabilité confortable de finir la journée en vie.

Les arbres sont aussi rare qu'un reportage journalistique de bonne qualité sur BFMTV. Malgré tout, quelques plantes éparses parviennent à braver ces difficiles conditions. Il s'y développe une faune bien contente de pouvoir profiter de quelques centimètres carrés ombragés. L'être humain, lui aussi, a déployé tout son savoir faire pour arriver à s'installer ici. L'unique source de la région, précieux sésame crachant ses molécules d'H2O en permanence, a été ingénieusement mise à profit de tous via un système d'irrigation parcourant la vallée sur des kilomètres. Aqueducs, tunnels et tuyaux en tout genre se relaient pour former une artère de vie autour de laquelle se greffent cultures, élevages et habitations tout au long de son sinueux parcours.



Passage du premier col

Pas trop d'embouteillages sur le chemin

Au premier plan, le fameux canal d'irrigation, donnant ici à des bananiers une chance de survivre au climat désertique

C'est au sein d'un petit amas d'habitations perdu au milieu de nulle part que nous passerons la nuit, bien installés dans la maison d'Isulina. Ce sera l'occasion de découvrir le train de vie local ainsi que leur quotidien.

Cultures de patates douce, de manioc et de bananes constituent la base du régime alimentaire. S'y ajoutent l'élevage de cochons et de chèvres, ainsi qu'une ou deux mules comme moyen de transport, seul moyen de locomotion sur ces petits chemins pavés serpentant la montagne. Le surplus est vendu en ville, leur permettant d'acheter les denrées qu'ils ne peuvent produire eux-mêmes. Un style de vie simple, axé autour de familles très solidaire. Solidarité entre voisins également, se mettre en commun pour construire un système d'irrigation ou un chemin muletier étant une question de survie.

Beaucoup de temps libre, les travaux au champ étant effectués tôt le matin, quand le soleil dort encore. Beaucoup d'ennui aussi peut-être ? Les divertissements ne courent pas les rues. Sont-ils plus heureux que nous, dans nos sociétés matérialistes et individualistes, mais au sein desquelles les divertissements sont très (trop) présent ? Je n'ai pas la réponse. Alors que toutes ces pensées traversent mon esprit, je regrette un peu de ne pas avoir choisi portugais au lieu d'italien lorsque j'ai renouvelé mon abonnement Babbel.


Seconde journée de marche, au milieu d'un décor toujours aussi majestueux

Nous reprenons la route, toujours sous un écrasant soleil de plomb. Soleil d'autant plus écrasant que notre stock d'eau fond comme neige au soleil... En effet, ma carte bleue n'ayant pas vaincu les distributeurs automatiques cap-verdiens lorsque nous étions en ville, nous nous retrouvons avec un maigre patrimoine financier de 1200 escudos. Sachant que l'eau est environ 10 à 15x plus chère qu'en France (ce qui n'est pas surprenant vu sa rareté et la difficulté logistique de la transporter à dos de mule jusqu'aux villages que nous traversons), il nous reste de quoi acheter une dizaine de bouteilles.


L'océan tout proche et son immense étendue d'eau salée de nous sera pas d'un grand secours.

Le seul match Tinder dans un rayon de 40km

Si les distances à vol d'oiseau paraissent raisonnables, il en va autrement lorsqu'il s'agit de les parcourir, crapahutant de vallée en vallée, franchissant sans cesse des cols tous plus raides les uns que les autres

Au passage d'un de ces cols justement, rencontre avec une espèce rare, j'ai nommé le touriste. Pour la première fois depuis notre départ, nous rencontrerons en effet un petit groupe d'étrangers, vadrouillant tout comme nous l'île de Santo Antao. La conversation que nous aurons ressemblera à peu de choses près à ceci :

- Bom dia !
- Bonjour.
- Ah bonjour, vous êtes français !
- En effet.
- EH MEC T'AS PAS DES ESCUDOS À CHANGER CONTRE DES EUROS ON VEUT PAS MOURIR DE SOIF STPPPPPP
- Volontiers

Ici, le but du jeu est simple : ne pas se faire prendre en sandwich entre les vagues et la falaise


À mi-séjour, drastique retournement de situation : la verdure s'invite ! La végétation passera en effet brusquement de quasi inexistante à omniprésente. La faute au changement de versant opéré en ce jour 4, qui nous exposera aux vents océaniques nous abreuvant de leur humidité.

Le dénivelé positif, cet être sournois tétanisant vos mollets de vilaines courbatures, se fera lui aussi de plus en plus présent. Première journée au-dessus du seuil psychologique du kilomètre vertical à gravir.
Cet effort physique croissant sera récompensé à sa juste valeur par une qualité des chambres d'hôtes elle aussi sur une pente ascendante, exit le matelas marshmallow et la douche glaciale, ce soir on se paie le luxe indécent de dormir dans un vrai lit après une bonne douche chaude !


La végétation change, les cultures aussi. Plantations de café, papayers, goyaviers, manguiers, ou comme sur cette photo canne à sucre, remplacent le manioc et patates douce des vallées plus sèches.

Cela se ressentira également dans les mets que nous mangerons. Ces derniers sont en effet très locaux, les ingrédients de base provenant la majorité du temps d'un rayon de quelques kilomètres. Cela nous emmènera à déguster du poisson frais dans des villages côtiers de pêcheurs, de la confiture du fruit de l'arbre cultivé dans le vallon même, etc...

Le jour suivant, nous persistons dans l'extravagance et marchons au milieu de paysages quasi alpins au fur et à mesure que nous nous élevons. Le moindre recoin, la moindre faille de rocher est prise d'assaut par la végétation.


Mais quelle est donc cette couleur verte ?!

On se paie même le luxe de sortir la veste

Quelques marches finales à affronter avant d'arriver à notre hébergement du jour

Les oiseaux chantent, l'air est frais, le ciel grisonnant. Nous ne sommes qu'à une quinzaine de kilomètres à vol d'oiseau des vallées arides de nos premiers jours sur l'île, et cela apparait déjà comme un lointain souvenir.

Franchissement du col numéro 3848

Vue du Pico da Cruz, perché à 1585m au-dessus des nuages

Coucher de soleil venté observé depuis notre hébergement du jour

Une fois les journées de marche terminées, il est vrai que le temps s'écoule lentement, trop lentement parfois. Mais c'est une situation intéressante à vivre, car ces moments là n'existent plus dans nos vies. Nos quotidiens sont envahis de notifications, de rendez-vous et autres contraintes temporelles ne laissant plus aucune place à l'ennui. Sans wifi, sans notification, sans emploi du temps, sans aucun divertissement accessible, notre pauvre petit cerveau est forcé à puiser au fond de ses entrailles de la créativité. Ces moments d'introspection, de méditation presque, sont à vrai dire le bienvenue, je sentais depuis un petit bout de temps que j'avais bien besoin d'appuyer sur le bouton "reset".

Certains payent une fortune des séjours en camps de détox au téléphone portable et autres appareils numériques, nous avons un budget bien plus modeste, nous nous contenterons ma foi d'un voyage au Cap-Vert !


Après 8 jours de randonnée, premier transfert motorisé pour Tarrafal, surnommé le village du bout du monde

Après 2 jours à se reposer au bord de l'océan (allez, une petite dernière promenade de 3h, on a pas pu résister !), départ matinal sous un magnifique ciel étoilé

L'aluguer - comprendre taxi collectif - étant complet à l'intérieur, c'est confortablement installé à l'arrière que nous effectuerons le trajet. Non j'déconne, banc en bois, chauffeur qui roule à tombeau ouvert sur une route pavée défoncée, franchissement d'un col à 2000m à 5h du matin à la fraîche rendront ce trajet de 2h assez épique !

Les premières lueurs du soleil seront tout autant appréciés pour illuminer ce majestueux paysage que pour réchauffer nos petits corps frigorifiés


Il sera déjà temps de retourner affronter l'hiver européen. Nous repartons du Cap-Vert en ayant vu une incroyable diversité de paysages, de climats et de styles de vie dans une île d'une vingtaine de kilomètres de diamètre.

Ma seule légère déception proviendra de l'hébergement chez l'habitant, qui un peu à la manière de ce que j'avais vécu à Cuba, était un peu plus froid et professionnel que les chaleureux repas partagés autour de la même table que je m'étais imaginé. Certes, c'est en parti ma faute, mon portugais étant extrêmement limité, il n'empêche que j'aurais aimé pouvoir plus échanger. Je garderai en souvenir notre passage chez Isulina, où nous avons pu réellement partager leur quotidien, nourrir les cochons et laborieusement communiquer en langue des signes.